La mort dépassée par l’espérance

En matière de souffrance incompréhensible et de perte de tout, Job devait avoir plus qu’une petite idée. Il avait tout perdu, femme et enfants, avant d’être atteint dans sa santé au point d’aspirer à la mort, plus douce – pensait-il – que la poursuite de sa vie.
Pendant un temps, il avait pourtant cherché des explications à une souffrance qui s’abattait sur lui sans raison. Les amis qui venaient le voir à son chevet s’étaient chargés de lui apporter des caisses entières de « parce que » … et cela n’avait rien arrangé, rien changé, ni apporté la consolation souhaitée.
Les amis de Job ont échoué : ils ont voulu intégrer un déferlement de douleurs interminables dans un grand tout, un grand système où le mal trouve sa place, presque « en harmonie » avec le reste : « Tout cela doit bien servir à quelque chose, n’est-ce pas ? », disaient-ils en substance.
Mais comment peut-on aller au chevet d’une personne qui souffre et tenter de la consoler en essayant de la convaincre qu’une douleur « servirait » à quelque chose ? Ces amis, qui pensaient bien faire, auraient dû simplement être là, lui tenir la main, lui parler quand il en avait l’envie et la force, ou bien se taire quand il le fallait.
Job, au contraire, proteste de son innocence face au mal subi : il sait qu’il n’a rien fait, qu’il n’y a ni cause, ni mérite, ni explication. Il refuse toutes les solutions qui sont ordinairement à notre disposition. C’est pour cela qu’il n’a plus le choix, il ne lui reste plus qu’à proclamer : « Je sais bien moi, que mon rédempteur est vivant ! » C’est comme cela qu’il dépasse la douleur si longtemps endurée et la mort parfois souhaitée.
Le salut, pour Job, n’est pas dans les explications, les grandes théories sur le bien et le mal, encore moins dans les banalités souvent culpabilisantes de ses amis. Il dépasse la douleur et la mort par l’espérance, l’avènement toujours possible de quelque chose qui relève la vie. C’est cela, au fond, « contempler Dieu » : avoir aspiré à la mort au moment de la grande douleur, et se remettre pourtant à parler au futur parce qu’un avenir se dessine !
La vie éternelle n’évite pas la mort. Job, un jour, a bien dû quitter les siens. Mais la vie éternelle que Job perçoit ici n’est pas quelque chose d’immobile et limité à un avenir incertain : c’est avant tout la vie qui reprend ses droits, avec ses surprises, ses nouveautés et ses attentes. Elle commence aujourd’hui pour nous, nous qui avons veillé, écouté, tenu la main de ceux qui nous ont quittés, nous qui avons dû parfois nous taire pour les laisser se reposer, nous qui nous n’avons aucune explication.
Didier Petit (pasteur)
____________________
Image à la une par evalac