Prédication du 06/02/2022

Prédication par Didier Petit

Texte : Luc V 1-11

 

Luc 5, 1-11

Cette pêche abondante est étonnante à tous points de vue. Si le déroulement logique était respecté, tout le monde suivrait la réaction première de Simon : « Nous avons fait tout ce que nous pouvions, nous sommes fatigués, il faut renoncer. Nous recommencerons demain. »

Mais rien ne se passe vraiment de manière logique. On pense trop souvent que la foule ne peut agir que par besoin et désespoir ; pourtant, dans la première partie, c’est elle qui a l’initiative. Le porteur de la parole est littéralement poursuivi par une foule riche de questions. Le « déjà-là » de cette foule pourrait donner l’impression que Jésus est assailli, mais ce serait peut-être faux.

Après tout, pas besoin de sélectionner soigneusement un public, comme le ferait un conférencier : le public est déjà là. Pas besoin non plus d’élaborer au préalable un discours adapté à ce public, puisqu’il est déjà là avec ses questions et ses besoins…

Si nous rapprochons cette scène de nos églises, cela nous place apparemment devant une alternative. Avons-nous une théologie de l’offre (Voici ce que j’ai à te transmettre, fais-en ce que tu veux !), ou bien une théologie de la demande (Et avec ça, qu’est-ce qu’il lui fallait, à la petite dame ?). La parole envoyée comme dans la parabole du Semeur, d’un côté ; une écoute attentive aux seules questions de ceux qui s’approchent de nous, de l’autre côté. Mais devons-nous vraiment choisir entre les deux procédés ? Pourquoi ne pas utiliser les deux, selon les circonstances ?

Mais nous ne sommes pas encore arrivés à la pêche abondante, ou miraculeuse. La réaction de Simon est parfaitement naturelle, mais presque aussitôt sa confiance revient. La parole dont il est lui aussi le porteur, produit un résultat inimaginable qui dépasse largement nos capacités, nos prévisions et la petitesse de nos moyens pour accueillir ou recueillir ceux qui nous sont confiés. Et nous devrions nous sentir davantage portés vers ce dépassement que submergés ou écrasés. N’est-ce pas l’abondance que nous souhaitons pour nos activités d’entraide ?

Qu’aurions-nous fait à la place de Simon ? Difficile à dire et c’est sans doute à chacun de répondre pour soi. Mais ce qui est certain, c’est que nous devons nous attendre à être totalement dépassés par les effets divins de la parole incarnée dans nos actes, c’est bien là l’espérance de toute église.

Que faut-il comprendre alors dans cette curieuse expression de « pêcheurs d’hommes » ? Il faut écarter une première interprétation qui ne conviendrait ni à cette foule venue manifestement chercher quelque chose, ni à ces pêcheurs exténués qui n’ont rien pris ce jour-là pour nourrir leurs familles. Il ne faut pas comprendre cette pêche étrange sous l’angle de la capture pure et simple : on attrape, on tue et on mange ! Cela n’aurait pas beaucoup de sens ici de faire de cette pêche un peu spéciale (pêcheurs d’hommes) un rapt ordinaire. Il y a beaucoup d’interprétations possibles de cette expression. J’en retiendrai deux.

La levée du filet est un des rôles majeurs de nos églises, constamment placées devant des foules qui sont toujours « déjà-là », avec leurs besoins et leurs questions : retirer ceux qui « accrochent » le filet hors des eaux salées, symbole de mort, lieu où la lumière ne pénètre pas, pour leur faire apercevoir cette lumière.

Mais il y a aussi une autre interprétation, suggérée par le pasteur Eric Galia dans l’excellent journal Réforme qui proposait la traduction : « Tu seras captiveur d’homme ». C’est-à-dire : que tes paroles et tes actes rendent captivant l’auteur de ces paroles dont tu es le simple porteur, que cette parole les sorte de leur découragement, comme on sort quelqu’un de l’eau.

N’est-ce pas la seule raison qui nous pousse à « faire église » comme d’autres essaient de « faire société » ?

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