Distanciation contre incarnation

Cette année encore, Noël sera un peu particulier, comme si le retour à la normale était encore en gestation… Beaucoup de nos aînés sont encore vulnérables et n’osent pas nous rejoindre. La jeunesse a également connu d’une vie sous contrôle sanitaire ; les études et les activités représentent peu à peu, mais la dureté d’un marché du travail sous tension les assistent au tournant. La précarité des uns et des autres semble rejoindre la fragilité d’un nouveau-né seulement accompagné de ses parents qui fuient la dureté de leur temps…

Aujourd’hui, pour la première fois depuis longtemps, nous nous confrontons en tant que société et en tant qu’individus à la précarité d’un monde que nous croyions solide. La maladie est entrée dans nos maisons tout en envahissant l’espace public. Mais elle a aussi rendu nos relations encore plus problématiques : la distanciation nécessaire physique est très vite devenue une distanciation sociale  ! Ce n’est pourtant pas la même chose et ce n’est pas ce qu’on nous a demandé ! Pourquoi avons-nous si vite ce glissement ? Probablement parce que l’archipel qui nous sert de société était depuis longtemps écartelé par toutes sortes de séparatismes. Nous avons spontanément choisi la distanciation socialeparce qu’elle est depuis un bon moment notre manière de vivre. Le pauvre pangolin n’y est décidément pour rien !

Mais ça ne fait rien. Noël sera cette année encore un vrai Noël. Il y aura encore les retrouvailles en famille, les repas de fête, et nous ne penserons pas à la frénésie habituelle des « fêtes de fin d’année » comme à une normalité qui nous manque. Le prix de la timbale de foie gras ou de la bourriche d’huitres chanté sur la musique d’ Il est né le divin enfant , ça vous manque, à vous ? La simplicité un peu contrainte que nous vivons en ce moment nous rapprochera un peu de cette nuit de Noël qui avait le parfum des commencements. Cela nous changera de l’hystérie pré-électorale et du catastrophisme ambiant qui ne nous parlons que de la fin !

L’incarnation est bien le contraire de la distanciation sociale . C’est la célébration d’une rencontre entre Dieu et l’humanité, rapprochement voulu et basé sur une confiance dont nous ne sommes que rarement capables, nous qui nous éloignons si rapidement de nos voisins, et pas uniquement par prophylaxie…

Cette année encore, et malgré l’angoisse diffuse d’une époque qui ne semble plus très sensible au parfum des (re-)commencements, les Evangiles de Matthieu et Luc nous rappellent obstinément que la rencontre confiante a bien plus d’avenir que le réponse méfiant. La confiance reconnue dans la crèche se présente sous la forme – trompeuse – de la faiblesse et de la précarité. En réalité, elle est la force accumulée qui se joue de l’adversité.

Joyeux Noël et bon recommencement !

Didier Petit

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