Les rétroviseurs et le pare-brise

Nous avons vécu, cette année, une semaine de prière pour l’unité un peu particulière. Cela ne nous empêche pas de réfléchir à ce que nous faisons chaque fois que nous partons à la rencontre des autres. Face à face ou par écran interposé, peu importe.
Les relations œcuméniques ne datent pas d’hier, c’est surtout dans l’après-guerre que le dialogue est devenu réel et fructueux, après la création du Conseil Œcuménique des Églises en 1948 et surtout après Vatican II en 1965.
Depuis, les Églises ont cheminé. Nous avons appris à nous parler, à nous connaître et nous reconnaître, identifier les différences irréductibles (nos conceptions de l’Église, de ce qui fait autorité), mettre au jour les points d’accord fondamentaux (une seule foi, un seul baptême), etc. Ces discussions ont même permis de mettre fin à des querelles intra-protestantes et proclamer la pleine communion entre nos Églises luthériennes et réformées, dans la Concorde de Leuenberg (1973).
Mais le monde a beaucoup changé depuis les années 60. Je pense surtout à la situation du christianisme (toutes confessions confondues) dans l’Europe de ce début de 21e siècle. La reconfiguration du paysage religieux a fait de nous des minorités religieuses parmi d’autres. Les protestants ont eu le temps, depuis le 16e siècle, de s’habituer au « fait minoritaire » ; les catholiques, de leur côté, ont vu leur Église perdre successivement le statut de religion d’État, puis de religion majoritaire dans le pays. Quitter brusquement, en l’espace de deux générations, la certitude d’être un référent culturel incontournable leur a sûrement beaucoup coûté…
Maintenant que nous en sommes là, nous pouvons songer à ce qui nous attend. Je crois que, depuis 500 ans, nous avons largement fait le tour de la question. Nous n’avons plus grand-chose de fondamental à apprendre dans ce que nous révèlent les rétroviseurs, il va falloir nous concentrer sur ce que le pare-brise nous donne à voir.
Ce qui est devant nous, au sein d’une société techno-marchande postchrétienne, c’est la recherche d’un témoignage commun. Pas forcément univoque, encore moins le fruit d’une synthèse introuvable et médiocre. Il existe des lieux où ce témoignage commun est à la fois possible et fondateur : le Centre Œcuménique de Chevry est l’un de ces lieux où des confessions distinctes partagent un lieu où retentit la Parole.
Il en existera encore bien d’autres. Dans notre consistoire, l’Église de Choisy-le-Roi réfléchit, avec la paroisse catholique voisine, à la création d’un lieu de ce type. Objectif : une présence chrétienne au sein d’une société qui semble passer à autre chose. Au commencement était la Parole, demain sera le témoignage.
Didier Petit