De quoi Noël est-il le signe ?

« Il y avait dans le cœur de Marie un creux en forme de question. Dieu eut lieu dans ce creux. Sous la forme d’une vie, imperceptible, à peine croyable, dans le sein d’une vierge. Sous le regard d’un homme, Joseph, qui aurait pu répudier Marie et qui n’en fit rien. Sous la forme de la joie alentour et des terribles pressentiments qui accompagnent les grossesses […]

La fin du monde avait déjà eu lieu. Dans la respiration paisible du nouveau-né, pourtant, le monde commençait d’être sauvé. À chaque inspiration, l’air putride d’un monde fini, l’air chargé du cri des innocents, était insufflé, puis rendu, et ce n’était plus le même air. Quelque chose, imperceptiblement, avait changé. Le monde était fini, mais il était désormais possible d’y écrire une autre histoire […]

La fin du monde a eu lieu il y a fort longtemps. Elle poursuit son œuvre. Mais dans la nuit que l’homme prépare à l’homme, une veilleuse s’est allumée. Sa flamme est fragile. On ne s’approche qu’à pas feutrés de l’enfant qui dort. »

Martin Steffens, revue Limites, décembre 2018


Cette année 2020 nous a placés, plus que toute autre année, dans un écoulement très particulier du temps. Deux parenthèses étranges appelées « confine-ments » ont imposé au monde entier une quasi-immobilité dont on avait perdu l’habitude et, peut-être, le souvenir. Notre mobilité d’enfants, d’adolescents et d’adultes affairés a été suspendue au point de nous enfermer, non seulement dans nos maisons, mais aussi dans une bulle réflexive inévitable sur « le jour d’après ».

Nous nous sommes en quelque sorte retrouvés dans un œuf, contraints d’imaginer le monde qui nous attend une fois la coquille percée. Et c’est bien ce moment que nous vivons, celui d’une gestation dont on attend une issue heureuse malgré les « terribles pressentiments qui accompagnent les grossesses ».

La fête de Noël est pour nous, année après année, le ressouvenir d’une gestation fondatrice : non pas la poursuite entêtée de nos objectifs ordinaires, ni la reprise fébrile de notre mobilité habituelle, mais une écoute nouvelle du présent qui nous rend prêts à écrire une autre histoire. Tout confinement est un creux en forme de question ; les réponses à cette question sempiternelle débouchent toujours sur la réinvention du monde à venir. Noël est bien le moment où, à la fin de l’année, nous réapprenons que la fin du monde a déjà eu lieu.

Un enfant nous est né. Une nouvelle année nous attend…

Didier Petit

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