Changer de peau

Dans la parabole du festin de noces, les destinataires naturels de l’invitation refusent le cadeau qui leur est fait : ils ont tous quelque chose à faire. L’étrange roi, dans un premier mouvement, éradique le mal par une expédition punitive, un peu comme un dieu qui noie une humanité incurable par 40 jours et 40 nuits de pluies ininterrompues.
Une fois passé l’accès de colère, tous les nouveaux venus ont le droit d’entrer, les bons comme les méchants. Il n’est plus question de tri, il ne reste qu’une pure et simple ouverture des portes. Ce qui tranche encore davantage avec l’éviction brutale qui achève le récit. N’y a-t-il pas eu une conversion chez ce roi vindicatif ? Et si ce roi, c’était nous, plutôt que Dieu ?
Le basculement a lieu au moment où le roi passe de l’expédition punitive à l’ouverture maximale, au moment où il renonce définitivement à un tri mortifère, pour mieux proposer sa richesse à tous. Avec lui, nous passons de l’expédition punitive à l’accueil.
Si le texte de Matthieu s’arrêtait là, nous serions bienheureux de finir sur un bilan aussi positif et favorable. Mais c’est à ce moment-là qu’intervient la fin de notre parabole : un homme est exclu du festin parce qu’il a fait une entorse au code vestimentaire.
De quoi s’agit-il ? C’est la deuxième métamorphose du roi de la parabole. En ne revêtant pas le vêtement qui était pourtant requis pour participer à la fête, l’homme incriminé ne trouve rien à dire lorsqu’on lui en demande la raison. Son silence gêné dit son refus de changer de peau, son refus de lâcher une carapace imperméable pour l’échanger contre une vraie peau qui respire. Cet homme nous ressemble beaucoup : nous préférons parfois refuser de trouver en nous les ressources de cette conversion toujours à faire entre abandon et accueil.
Vivre en Église, c’est justement retrouver la parole qui offre, qui redresse et qui sauve. Au contraire, se taire comme cet homme qui au fond s’exclut lui-même, c’est abandonner. Un proverbe anonyme dit : « Je suis bien dans ma peau, elle est juste à ma taille ! » C’est bien ! Mais il faut aussi qu’elle soit poreuse. Le Royaume, c’est se transformer comme on change de peau, troquer une carapace pour une surface plus vulnérable, mais qui échange et respire.
Didier Petit (pasteur)
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© Photo à la une de Salomé Guruli sur Unsplash