L’Esprit qui vient

La connaissance cumulée des désastres qui adviennent renforce dans nos têtes le caractère tragique du monde. Pourtant, la beauté, les actions réparatrices, les mains tendues, la ténacité de ceux qui s’engagent, etc. sont les « traces de Dieu » qui font que notre monde est habitable ; ce sont elles qui finissent, à travers nous, par tracer une voie praticable, une route qui mène quelque part.
À nous, donc, de tracer notre propre trajectoire, celle qui fait passer par les raisons d’espérer de grandes choses. Pour pouvoir trouver cette voie si particulière, il faut donc savoir écarter, en particulier, les faux dieux que nous avons inventés pour meubler notre imaginaire avec des objets familiers.
Le pire de ces objets théologiques mal-identifiés est peut-être ce dieu tout-puissant et tout gentil qui se trouve au moins aussi empêtré que nous dans la noirceur du monde. Celui-ci s’est tellement pris les pieds dans le tragique qu’il n’a pas vu venir les questions embarrassantes…
Dans notre texte, Jésus précise les rapports entre Dieu et nous, une relation qui passe par un amour inconditionnel. Le « sans condition », en voilà une toute petite route étroite, pas facile à trouver, pas toujours très praticable ! La présence de Dieu se manifeste par notre capacité à aimer sans faire intervenir nos critères habituels de classement.
Jésus donne ici son testament spirituel à des disciples qui commencent à comprendre qu’il va les quitter, mais sans les laisser seuls. C’est l’Esprit qui reste avec eux, chose apparemment immatérielle et imperceptible, mais au fond très prégnante, comme l’esprit d’une époque qui représente l’ensemble des paroles et des actes qui lui donne son caractère et sa forme.
Après toutes les constructions d’un dieu compliqué, véritable empilement d’attributs plus ou moins abstraits, il ne reste plus pour Jean que l’amour incarné dans nos actes, conforme à l’Esprit qui en rappelle le programme et l’exigence. Quelle bonne idée d’avoir allégé à ce point notre charge mentale au quotidien : il ne nous reste plus qu’à trouver la petite route étroite qui permet, patiemment, de pratiquer la justice du Royaume promis. Comme c’était simple, au commencement !
Didier Petit
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