Prédication du 19/03/2023

Prédication par Didier Petit

Texte : Jean IX 1-41

 

Jean 9, 1- 41

Ce récit de Jean est un peu tarabiscoté, assez long, et on peine à retenir tous les détails. Dans cette histoire de guérison d’un aveugle un jour de sabbat, on est plutôt submergé par la masse des faits. Mais plus que les faits, les motivations sont questionnées : il s’agit surtout du péché, en filigrane, la guérison apparaît comme un résultat étonnant, dérangeant, et même le personnage de l’aveugle a des contours mal définis, on ne sait pas vraiment qui il est.

Une fois qu’il est guéri, cette aveugle ne dit rien, il semble subir une guérison qu’il n’a même pas demandée explicitement. C’est peut-être pour cela qu’on lui pose des questions et qu’il finit quasiment coupable, pécheur en tout cas, condamné par les Pharisiens qui ont peut-être une autorité spirituelle et morale, mais pas dans le domaine du droit. Finalement, on le chasse de la synagogue parce que quelqu’un lui a fait du bien sans qu’il le demande. Quel tribunal pourrait prononcer un tel verdict ?

Mais cette conclusion est-elle si exceptionnelle ? Pas vraiment ! Les discours de haine et de jalousie, on le sait bien, se déclenchent assez rapidement dès que quelqu’un semble avoir reçu quelque chose qui n’est pas mérité, un privilège insupportable. Quand quelqu’un montre ne serait-ce qu’une partie de son avoir, il y a toujours quelqu’un pour se demander comment l’heureux propriétaire s’y est pris pour tondre la laine sur le dos de quelques moutons : qui a-t-il dépouillé, volé, exploité pour se hisser à cette altitude ?

Ici, l’hypothèse retenue, c’est le pacte avec les forces du mal. La maladie était, davantage qu’aujourd’hui, le résultat d’une faute ou d’un manquement, on l’expliquait par un péché commis par l’intéressé ou par ses aïeux. Je dis davantage qu’aujourd’hui, mais il faut bien reconnaître que cette hypothèse revient de temps en temps dans certaines conversations : c’est tellement tentant d’expliquer le malheur des autres pour se sentir mieux, autant par cruauté que par soulagement ! Si en plus le malade est guéri un jour de sabbat, l’infraction est telle qu’elle ne peut être que diabolique.

La suite était prévisible : l’enquête bâclée, le procès à charge, le poids de la rumeur et des on-dit, puis la condamnation. C’est un peu la répétition générale de ce qui arrivera à Jésus un peu plus tard : même enchaînement, même aboutissement !

La guérison en tant que telle pose un problème : ce ne sont pas les Pharisiens qui s’emparent de l’événement en premier lieu, ils prennent le train en marche, poussés par la rumeur qui gonfle. Là encore, c’est une répétition générale : c’est également cette même pression de la foule qui va pousser Pilate à préférer le respect de l’ordre public (il en est le garant) à un procès respectueux de la procédure (ça l’ennuie). Dans notre histoire, la conclusion est simple : si ça n’est pas Dieu qui permet cette guérison parce qu’elle est contraire au règlement, c’est que le Malin est à l’œuvre. Grand classique, là encore : quand Dieu en personne ne dit rien, on parle à sa place…

Le procès engagé ressemble à ce qu’on a pu mettre en place sous l’Inquisition : tous les motifs sont bons et Jésus devient potentiellement complice du Malin puisqu’il est l’agent d’une guérison illicite. Répétition générale, vous dis-je : cette même complicité culminera dans son propre procès dans l’accusation de blasphème ; les autorités religieuses y auront leur rôle, évidemment, mais ils n’iront jusqu’au bout que grâce à la foule, une foule dont on récupère la colère dans un premier temps, puis qu’on manipule en chuchotant dans les rangs : « Dites que vous préférez Barabbas ! ».

Pourtant, l’affaire est plus simple qu’il n’y paraît. Jésus mêle sa salive (métaphore de la parole) à la terre qui utilisée pour façonner l’homme dans le récit de création dans la Genèse. Il fait comme Dieu qui intervient dans ce monde qui fonctionne mal pour lui proposer l’essentiel (soulager et guérir) et l’aider à abandonner les fausses solutions (le salut par respect scrupuleux du règlement). Son action est simple, son intention aussi et, je crois, tout le monde a bien compris : les Pharisiens, la foule, et l’aveugle qui a des oreilles en bon état de marche. Mais ils préfèrent trouver du diabolique dans ce que Dieu fait plutôt que de reconnaître leur aveuglement. Il y a bien un aveugle dans ce récit, mais où on l’imagine !

Il est très important de remarquer que les vrais aveugles sont ici ceux qui pensent avoir la vérité pleine et entière sur le bien et le mal. La vérité se trouve dans ce qui prend soin, accueille, écoute et guérit ceux qui en ont besoin, quel que soit le calendrier.

Vous l’avez sans doute remarqué : Jésus ne s’intéresse pas à l’origine du mal, ni pour reprocher, ni même pour expliquer. Il laisse les spécialistes se perdre dans les méandres de leurs explications pour mieux nous montrer la voie : faire au mieux.

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