Marie, confiance et transmission

Loin de ces surinvestissements de la tradition, Marie a certainement eu une existence conforme à la plupart des jeunes filles de son époque. Mais c’est peut-être justement l’irruption de l’extraordinaire dans l’ordinaire qui nous fait cet effet. Il y a dans cette histoire quelque chose qui rappelle de nombreux personnages de la Bible. Abraham ne se serait pas levé pour quitter sa maison et les siens s’il n’avait pas cru à la promesse d’avoir un peuple et une terre. De la même manière, si Marie n’avait pas répondu à un appel, elle n’incarnerait pas pour nous le modèle d’une confiance bien particulière.
C’est sans doute grâce à ce qu’incarne Marie que nous sommes parfaitement protégés contre le merveilleux, les apparitions angéliques, le miraculeux ou le sensationnel qui imprègne notre texte et dont beaucoup se sont contentés. Marie sait qu’elle doit aussi suivre cette même démarche : une confiance qui engage un avenir encore indiscernable. Sa vie se résume à un rôle de maillon dans une chaîne de transmission, une sorte de catalyseur ou de déclencheur.
Peut-être que c’est exactement ce qui est attendu de nous : dès que nous faisons normalement ce que nous avons à faire, nous sommes comparables à ce que fait Marie ici. Au fond, un ange nous apparaît, et la puissance du Très-Haut nous couvre de son ombre chaque fois que nous faisons en Église la démonstration que nous sommes prêts à donner vie à ce qui nous succèdera. Les transmetteurs d’espérance que nous tâchons d’être reçoivent cette même promesse d’une grâce qui nous a été faite : l’Église, appelée corps du Christ, est une naissance perpétuelle que nous nous remémorons pendant les temps de l’Avent et de Noël. L’annonce faite à Marie réaffirme pour nous tous que Dieu est partie prenante de ce que nous vivons : ce n’est pas ce qui se voit qui a de l’importance, mais plutôt ce qui est annonciateur de ce Royaume en cours d’avènement, toujours en gestation.
L’incarnation qui vient le jour de Noël n’a pas bouleversé le calendrier, il faut laisser cela à Hérode, à César et à tous ceux qui ont pris la suite. En revanche, la venue d’un Dieu en nous bouleverse notre rapport à l’espérance et à nous-mêmes. S’il existe un appel, une vocation, c’est bien celle-ci : l’espérance est cette capacité que nous avons de faire de notre vie un moment de transmission confiante.
Didier Petit
______________________
Photo à la une de Juan Carlos Leva sur Pexels