Prédication du 04/09/2022
Prédication par Didier Petit
Texte : Psaume I 1-6
Psaume 1
La recherche de la joie est une chose importante dans notre vie. Elle est le témoignage de notre goût pour ce qui favorise notre épanouissement. Mais ce sentiment de joie n’est pas le témoin infaillible d’une plénitude qu’aurait atteint notre cœur. Ce n’est certainement pas un état stable, un lieu confortable où chacun pourrait s’installer. La joie est dépendante de la chose dont nous tirons notre joie. Le psalmiste avait bien compris cela.
Dans le psaume 1, l’homme juste et droit dans sa marche y est décrit comme heureux (ou béni, comme dans les béatitudes, même si la comparaison ne peut pas se faire jusqu’au bout) et comme présentant son plaisir dans la loi de Dieu. L’homme heureux est celui qui marche, s’arrête et s’assied au cours de sa vie avec droiture et justice. L’homme qui ne marche pas d’un même pas avec les pêcheurs est heureux, il expérimente une marche heureuse et bénie.
Mais d’où vient alors cette joie au sein de sa marche ? Cet homme est heureux parce qu’il abreuve son cœur par la source éclatante et satisfaisante de la Parole de Dieu. Il sait qu’aucune autre source ne sera aussi satisfaisante et désaltérante.
Le psalmiste va jusqu’à dire que tout ce qu’il fait lui réussit ! Cette phrase m’a pour un temps posé problème. David serait-il un adepte de l’évangile de la prospérité ?
Vous savez peut-être ce qu’est l’Evangile de la prospérité ? C’est une doctrine qui affirme que l’aisance financière des chrétiens est un signe de bonne santé spirituelle et que, par opposition, la pauvreté est une malédiction ou sanction divine. Cela paraît assez fou quand on le dit comme ça, d’un trait, sans reprendre son souffle.
On se dit qu’une idée pareille ne peut germer que dans la tête d’un télévangéliste américain ou brésilien, mais ce serait un peu rapide. En réalité, le sociologue et économiste Max Weber avait plus qu’effleuré cette idée dans son ouvrage bien connu « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » que vous avez sans doute lu et relu au moins dix fois…
Mais Weber attribuait l’investissement plus grand des protestants dans l’activité économique à leur manière particulière de comprendre l’engagement dans le monde (ou engagement séculier) comme étant lié à une vocation que Dieu leur adresse. Le métier est une mission que Dieu m’adresse directement.
Il y a donc une différence très nette entre l’éthique protestante du travail et de l’engagement dans le monde, liée à l’appel divin, et la théologie de la prospérité qui prétendait lier la bonne santé spirituelle et le bien-être matériel, à partir d’une lecture très tendancieuse de la parabole des talents dont le mais est davantage de faire révélé la grâce que de valoriser les mérites.
Tout cela nous ramènera à notre question de tout à l’heure : est-ce que ma réussite serait fonction de ma piété ? Le psalmiste dit seulement au premier verset : « Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants. » Selon le conseil des méchants : c’est bien à ce niveau que tout se joue. La réussite se situe en réalité à un niveau très différent de celle qui est proposée par notre culture… ou même par certaines lectures faussées des Evangiles.
La réussite dont parle le psalmiste est celle de cet homme qui a su satisfaire son cœur avec la manne quotidienne de la Parole de Dieu. A l’image de la collecte de la manne dans le désert, la réussite n’est pas une question de quantité à entasser : l’épisode de la manne s’achève avec ce principe simple : celui qui ramasse peu ne manque de rien, et celui qui ramasse beaucoup n’a rien de trop ! Le trésor commun est distribué par le partage et le don. On est décidément bien loin de la théologie de la prospérité. Et puis, ce n’était pas la peine de s’offusquer à ce point, au 16 e siècle, contre le trafic des indulgences pour finir escroqués par des margoulins auto-proclamés !
Cette réussite pourrait alors se définir comme le fait d’être complet, au travers de dons reçus de la part de Dieu , des dons qu’on reçoit avec reconnaissance et qu’on fait fructifier par l’enthousiasme de son travail. Ici encore, nous sommes assez loin de la définition ordinaire de la réussite, souvent préoccupante de prospérité.
Dieu s’est approché de nous. Il nous a parlé et nous a instruit sur ce qui est juste et saint. Et pour que nous dévenions cet homme (cette femme) qui ne marche plus selon le conseil des méchants, il a fallu qu’un Homme juste et droit meure à la suite des coups et des blessures d’hommes injustes. Il était cet arbre beau et fleurissant, pur et sans tâche. Un arbre profondément ancré dans la loi de Dieu, dans la Loi de son Père. Il ne profite que dans le fait d’accomplir la parole de son Père. Mais il a été coupé de la terre des vivants pour son peuple, il est devenu un objet de dérision et de malédiction pour que la condamnation soit écartée de son peuple. Et c’est en luique nous pouvons alors être heureux en ne marchant plus selon le conseil des méchants et que nous pouvons alors prendre plaisir dans sa loi qui était auparavant pour nous inacceptable.
L’homme qui a su trouver son plaisir dans la parole de Dieu, et dont la marche est heureuse, est un homme qui a sa place au sein de l’assemblée des justes et qui marche sous le regard de Dieu. Ces actes sont des gestes qui parlent, des témoignages authentiques parce qu’incarnés et vécus.
Pour terminer, il est intéressant de noter que le psalmiste intègre à la fin de cette partie une vision communautaire. Alors qu’il parlait de l’homme juste au singulier, il finit en parlant de l’assemblée des justes . Nous ne sommes pas seuls ! Ce plaisir dont il parle ne se savoure pas dans la solitude. C’est une marche heureuse qui s’articule avec les autres membres du corps qui constituent l’église. C’est une joie et un plaisir partagés avec les frères et sœurs de l’église.
« Le succès n’est pas la clé du bonheur. Le bonheur est la clé du succès. Si vous aimez ce que vous faites, vous réussirez. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Albert Schweitzer. Alors, c’est sûrement vrai ! Y compris et surtout en église…