Le souci de la terre, sans traîner les pieds

Christophe Monnot et Frédéric Rognon (respectivement maître de conférences en sociologie du protestantisme et professeur de philosophie de la religion à la faculté de théologie protestante de Strasbourg) ont fait paraître en 2020 un essai polémique sur le rapport des Églises avec les préoccupations écologiques, Églises et écologie, une révolution à reculons ? (Labor et Fides). La thèse principale de l’ouvrage est que les Églises de l’hémisphère nord se sont finalement peu mobilisées sur la question écologique par rapport à celles du sud.
Pourtant, des ouvrages assez anciens montrent que, dès le milieu des années 60, les différentes Églises chrétiennes du nord ont pris le problème à bras-le-corps, notamment pour montrer théologiquement que « le vers n’est pas dans le fruit ».
L’interprétation de l’ordre divin de « soumettre et assujettir la terre » dans le livre de la Genèse n’est pas, comme on l’a souvent dit, une autorisation faite à l’homme de chosifier la terre pour mieux la surexploiter ; c’est au contraire une invitation à l’administrer avec sagesse puisque c’est une bénédiction, une conséquence de la création de l’homme à l’image de Dieu.
Si nous avons pourtant tout fait depuis trois siècles pour considérer notre environnement comme un simple matériau dont nous pouvions prendre brutalement possession, c’est à la longue histoire de nos lectures fautives du texte biblique qu’il faut l’attribuer, et non au texte lui-même qui, manifestement, dit autre chose.
Mais si cette accusation anti-chrétienne devenue habituelle peut et doit être combattue par des arguments, il y a malgré tout un certain nombre de conversions à effectuer de la part des Églises. Le reproche d’anthropocentrisme paraît justifié, dès lors que nous avons imaginé que le salut nous était réservé. Que dire alors de cette parole de Marc dans les toutes dernières lignes de son Évangile : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création ! » (Marc 16,25). Paul est tout aussi explicite lorsqu’il affirme que « Toute la création gémit dans les douleurs de l’enfantement. » (Romains 8, 21-22). C’est effectivement toute la création qui est destinataire du salut promis. Ce précieux rappel ne nous fera rien perdre d’important, seulement la prétention d’être au sommet d’une hiérarchie illusoire qui nous a transformés en tyrans.
Si notre synode national délibère en cette fin d’année 2021 sur le thème de l’écologie en posant la question : « Écologie, quelle(s) conversion(s) ? », c’est certainement pour réaffirmer au cœur de nos Églises ce nécessaire déplacement d’un salut détourné et confisqué à un salut universel.
Ainsi, la thèse de l’ouvrage cité plus haut doit-elle être certainement nuancée. Mais n’oublions pas que ces enjeux sont là pour nous rappeler toutes les conversions qui nous attendent. Il nous faudra cheminer en gardant le cap, et sans traîner les pieds…
Didier Petit
© Photo à la une de Silvestri Matteo sur Unsplash