Prédication du 11/07/21

Prédication par Didier Petit

Textes : Amos VII 12-15, Marc VI 7-13, Éphésiens I 3-14

Ephésiens 1, 3-14 

En découvrant les textes du jour, je suis resté légèrement circonspect à la lecture du prophète Amos dont les déboires m’ont paru difficiles à exploiter : se faire traiter de vulgaire voyant alors qu’on est porteur d’une parole divine, c’est déjà pénible ; mais être chassé manu militari comme un malpropre sous prétexte qu’on est porteur d’une vérité difficile à entendre, tout cela n’engendre pas une envie folle de trouver ici, à tout prix, une bonne nouvelle à dire. J’ai renoncé.

Les histoires de poussière sur les sandales, chez Marc, nous rapprochaient d’une atmosphère estivale, certes, mais pas au point de faire coïncider vraiment un départ en mission avec un départ en vacances… Là encore, j’ai renoncé.

C’est alors que je me suis plongé dans l’épître aux Ephésiens : la prédestination, le dessein de Dieu arrêté d’avance, les choses voulues et décidées par une grâce qui ne se refuse pas, etc. J’ai pensé à vous… Je me suis dit que vous étiez peut-être en train de préparer vos tongs et vos bermudas, les bouées à tête de canard avec les petits brassards gonflables assortis, la crème solaire indice 50 si nécessaire en ce moment… Et là, ce fut comme une révélation : de la même manière qu’il y a des lectures de plage, n’y a-t-il pas ici un texte idéal pour les vacances ?

Lorsque nous entendons ces expressions de l’apôtre Paul, nous avons l’impression tenace de revenir à une autre époque où l’on croyait effectivement que les rapports entre la terre et le ciel étaient littéralement « régis » par une volonté puissante, implacable et qui domine tout, qui décide et fait toutes choses selon son bon plaisir. Nous avons entendu ce genre de formules, dans des cantiques ou des traités de théologie, ici ou là.

Que reste-t-il de ces formules, aujourd’hui ? Sommes-nous encore capables de les comprendre, de les incorporer à notre manière de vivre ? La prédestination affirmée ici par Paul, assez simplement, n’a pas l’insistance des doctrines qu’on a pu tirer par la suite de ces versets et de quelques autres. C’est peut-être ce qui nous sauve… Enfin, façon de parler !

Si l’on s’en tient à l’idée de prédestination, on trouve généralement un concept selon lequel Dieu, de toute éternité, choisit ceux qui seront graciés et auront droit à la vie éternelle. Cette idée est associée aux débats philosophiques sur le déterminisme et la nécessité. Affirmer que nous sommes prédestinés par Dieu, c’est donc nous interroger sur le degré de liberté dont nous jouissons, nous demander si nous sommes déterminés, si notre vie a une direction donnée d’avance et dont il est impossible de dévier, ou bien au contraire si elle permet une certaine liberté de choisir.

Être libre, c’est surtout avoir le choix. Imaginez que vous êtes sur une route, au volant d’une voiture qui ne peut emprunter aucune sortie : pas de bifurcation possible, juste un cheminement imperturbable vers quelque chose que vous n’avez pas voulu. Mais au premier panneau « sortie », à la première bretelle, vous pouvez garder le cap ou bien mettre votre clignotant et prendre une autre direction.

Pourquoi Paul éprouve-t-il le besoin de nous présenter un Dieu qui maîtrise tout, comme si nous n’étions pas appelés à devenir adultes et responsables, un jour ou l’autre ? Mais est-ce vraiment le cas ? Ce qui frappe dans les mots utilisés, c’est qu’ils ne renvoient pas à cette idée tristounette d’une vie toute tracée : Paul explique que nous faisons bien face à une volonté divine, mais qu’elle est comme l’acompte de notre héritage final. Loin d’être un monologue exclusif et autoritaire, il y a plutôt ici une initiative qui attend une réponse, comme une conversation à peine commencée. Le reste est encore à venir et, apparemment, il doit venir de nous. Volonté divine, certes, mais qui attend impatiemment la manifestation de la nôtre.

Il n’y a pas que dans l’épître aux Ephésiens qu’on trouve cette question abordée, il y a aussi l’épître aux Romains. Dans son commentaire de cette épître, le théologien suisse Karl Barth explique la prédestination autrement que dans notre imaginaire et nos habitudes. Pour lui, le premier mouvement vient de Dieu, c’est la grâce qui vient sur l’homme. La foi n’est rien d’autre que la réponse de l’homme. Il est l’un de ceux qui ont compris que les rapports entre le ciel et la terre sont à double sens, comme dans une conversation. Souvenez-vous de l’échelle de Jacob où des anges montent et descendent.

Et c’est bien ainsi qu’il faut comprendre notre épître aux Ephésiens : nous ne sommes pas sur des rails, bloqués et contraints, nous sommes invités à une conversation dont la première phrase a déjà retenti, non comme un ultimatum mais comme une promesse.

Au fond, nous devons nous interroger sur le sens possible d’une phrase comme : « je suis déterminé ». Il y a deux manières de la comprendre, un peu comme dans le cas du verre à moitié vide ou à moitié plein. Nous pouvons choisir la version déprimée, pleurnicharde, et n’y voir qu’une forme passive : je suis là où je n’ai pas choisi d’être, je n’ai aucune liberté, je suis actionné par en-haut comme un pantin agité par des fils, etc.

Mais il y a aussi un autre sens à l’expression « je suis déterminé » : elle veut dire « je désire », « je veux » ou encore « je suis résolu » à faire ceci ou cela. C’est vers ce second sens que nous oriente l’apôtre Paul, loin des formes passives, loin de la résignation.

Denis Diderot écrivait : « On dit que le désir naît de la volonté, c’est le contraire, c’est du désir que naît la volonté. » Lorsque vous serez, d’ici quelques temps, sur une plage bondée et que vous chercherez la crème solaire indice 50 que vous aurez évidemment oubliée, vous repenserez à cette lecture de plage et vous serez alors les heureux détenteurs d’une vie tout orientée vers des réponses à chercher. Avec une vraie détermination !

Didier Petit

 

 

 

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