Prédication du 25/04/2021

Prédication par Didier Petit

Texte : Marc X 17-30

Marc 10, 17-30

Nous ne sommes pas tous des chercheurs, être chercheur est un métier et ça ne s’improvise pas ! En revanche, nous sommes tous des cherchants. Que l’on se positionne clairement comme « croyant », « pratiquant », « engagé » ou « fidèle », ou bien que l’on se classe parmi ceux qui pensent n’avoir pas besoin d’un engagement spirituel, on se pose toujours à un moment ou un autre de sa vie des questions fondamentales qui remettent en question : sur ce qui nous fonde, sur notre raison d’être (ou d’être-là), sur ce qui nous attend…

Rien de surprenant donc à ce que Marc nous relate l’histoire d’un homme apparemment sûr de lui, mais qui s’adresse à Jésus en exprimant pourtant quelques doutes : « Que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? » La question est importante, en effet : par rapport à « Quand est-ce qu’on mange ? » ou « Que fait la police ? », on est bien à un niveau de préoccupation légèrement supérieur ! Dans le bref dialogue avec Jésus, cet homme apparaît comme un « croyant pratiquant » : il fait ce qu’il croit, il croit à ce qu’il fait et ce qu’il fait, il le fait bien. Rien à redire, par conséquent ! Il a l’air tellement convaincu, ferme et droit dans ses bottes qu’on ne voit pas ce qui pourrait le déstabiliser. Et pourtant, le doute plane dans son esprit.

Quand nos certitudes sont ébranlées, le besoin d’en parler à quelqu’un se fait sentir. Au début de l’entretien, cet homme perçoit Jésus comme une référence spirituelle fiable, c’est pourquoi il l’appelle Maître (rabbi). Il ne croit pas que Jésus le désavouera, il s’attend au contraire à être montré en exemple. Et si le Grand Mamamouchi, l’expert – une pointure dans son domaine – le conforte dans ce qu’il est, sa position devient inexpugnable !

Cet homme vient consulter le Maître, non pas pour que sa foi soit mise en cause mais pour être reconnu dans sa pratique. Il vient surtout chercher une sorte d’assurance, mais seulement parce qu’il en manque. C’est pour cela que Jésus s’empresse de le mettre à l’épreuve, non par provocation, mais pour l’aider à se démarquer de ses certitudes spirituelles.

On a fait toutes sortes de prophéties sur ce 21e siècle commençant. On a promis à l’humanité d’aujourd’hui qu’elle s’épanouirait dans un monde spirituel ou religieux. On a convoqué pour l’occasion André Malraux à qui on a fait dire : « Le 21e siècle sera religieux ou ne sera pas ! » Nous savons bien aujourd’hui qu’il n’a jamais dit une chose pareille mais, vous savez ce que c’est : il ne l’a pas dit, donc tout le monde l’a entendu… On a appelé cela le « retour de Dieu » ou « la recomposition du religieux » ou « le réenchantement du monde. » Expressions qui disent surtout notre embarras pour comprendre ce qui se passe vraiment !

En réalité, nous ne savons plus très bien en quoi ou en qui nous pouvons avoir confiance. Nos contemporains, assez massivement, se méfient de tout engagement spirituel, et même de tout engagement tout court. Vous connaissez peut-être ce bon mot de Woody Allen : « Dieu est mort, Marx est mort, et moi-même je ne me sens pas très bien… » Blague à part, notre époque montre bien le même mélange bizarre de certitude et de doute que notre texte du jour : la certitude apparente de vivre de manière adulte et autonome (conviction bien fragile) et un besoin très fort de savoir sur quoi fonder son espérance.

Si ceux qui nous entourent s’écartent de nos lieux d’église, ce n’est pas tellement par manque d’intérêt, mais par peur d’être amenés à réfléchir sur eux-mêmes, peur de se remettre en cause, peur de voir un Dieu jugé encombrant intervenir dans leur vie, peur de voir bousculé l’équilibre fragile dans lequel ils ont enfermé leur vie spirituelle. Généralement, personne ne les a mis dehors, ils ont eux-mêmes pris leurs distances. Mais, au-dehors comme au-dedans, nous retrouvons bien cette idée de certitude flageolante destinée à se rassurer. Au fond, une petite certitude bricolée cache avant tout un énorme besoin de se rassurer.

Face à tous ceux qui ne veulent pas se remettre en cause, j’en reviens à ce jeune homme riche qui fait une tentative louable auprès de Jésus. On a pris l’habitude de l’enfermer dans ses richesses et de le juger sur son étroitesse d’esprit. Pourtant c’est le bien-fondé de sa foi qu’il ose finalement mettre en question devant Jésus. Le doute l’a effleuré. Et quand le doute nous effleure, il ne nous lâche plus. Jésus le déçoit parce qu’il ne reçoit pas auprès du Maître l’accueil qu’il espère. Et le lecteur que nous sommes ne comprend pas sur quoi Jésus veut attirer son attention, c’est pourquoi nous passons à côté du problème et nous en profitons pour le condamner un peu vite pour sa seule rapacité, son amour des richesses.

Je ne suis pas sûr que ce soit l’amour des richesses qui soit au centre de ce passage. Pour rendre justice à la pédagogie de Jésus, comparons Matthieu et Luc qui ont rapporté le même événement avec quelques variantes.

Nous savons que le plus ancien Evangile est celui de Marc, celui que nous avons lu et que les deux autres l’ont utilisé comme base pour écrire le leur. Ils ont généralement amplifié les récits avec des détails que Marc ne donnait pas, mais pas dans ce récit. Matthieu et Luc ont retiré une petite phrase qui me semble être le nœud du problème. Il serait bon de savoir pourquoi ils l’ont enlevée, mais nous n’aurons jamais la réponse, malheureusement. Avant de nous livrer le long discours de Jésus sur les richesses, le récit de Marc glisse une petite phrase qui est la suivante : « Jésus ayant fixé son regard sur lui, l’aima. »

C’est dans cette expression que se trouve, selon moi, la clef que nous cherchons. À celui qui se reconnaît simplement comme « cherchant », Jésus exprime avant toute chose l’amour de Dieu, son extrême proximité et son intérêt pour nous. Si le jeune homme riche perçoit cet amour, il pourra entendre avec intérêt ce que Jésus a à dire sur les richesses, et par amour il fera ce qu’il croit bon de faire. Et même s’il ne peut pas se résoudre à le faire, il saura qu’il est aimé, et cela change complètement les conclusions que l’on pourrait apporter à l’histoire.

La seule chose que cet homme pieux ne savait pas, c’est que l’amour de Dieu est toujours premier. Dieu l’aime malgré le mauvais usage qu’il fait de son argent. Dieu aime d’abord, et le reste peut toujours venir ensuite… Il n’y a plus rien à conquérir, pas de supplément d’âme à collectionner. Il ne reste plus qu’à être et rester un « cherchant ».

Didier Petit

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