Prédication du 06/12/2020

Prédication par Didier Petit

Textes : Ésaïe XL 1-8, Marc I 1-8

 

Marc 1, 1-8

C’est dès le début de l’Evangile de Marc qu’il est question du Saint Esprit, et plus précisément de notre baptême – notre immersion complète – dans cet Esprit. C’est Jean-Baptiste qui en parle, ce distingué représentant d’une Alliance sur le point de se renouveler de manière radicale. Ce ne sera pas le seul, puisque Jésus se remémorera cet événement pour faire le lien entre baptême d’eau et baptême dans l’Esprit, en annonçant à ses disciples qu’ils en seront bientôt les bénéficiaires.

Mais ce n’est pas parce que cette expression fait partie du patois de Canaan ordinaire que nous savons exactement ce qui se cache derrière chaque mot. « Etre baptisé dans l’Esprit Saint », qu’est-ce que ça veut dire ? En me posant la question honnêtement, je me suis aperçu que mes propres explications étaient floues ou filandreuses. A l’énoncé de chacune d’elles, j’avais l’impression de n’avoir trouvé qu’un vague équivalent – lui aussi jargonnant – ou un synonyme maladroit. En plus du patois de Canaan, je rajoutais une couche de jargon théologique, ce qui – la plupart du temps – n’arrange rien ! Il fallait donc réagir vigoureusement…

Quand on est totalement ignare dans un domaine, quel qu’il soit, on essaie de se renseigner. Si on a un caractère audacieux, il suffit de demander à d’autres, à beaucoup d’autres si on est très curieux. Si, au contraire, on ne souhaite pas trop ébruiter son ignorance crasse, on se fait moins bruyant et on part discrètement à a la pêche aux informations en espérant revenir avec la besace pleine.

Comme je déteste le bruit excessif, j’ai logiquement opté pour la deuxième méthode. J’ai discrètement interrogé Internet, sorte de divinité omnisciente dont j’attendais beaucoup. Je n’ai pas été déçu. Voici ce que j’ai pu collecter.

« Le baptême du Saint-Esprit peut se définir comme l’œuvre par laquelle Dieu fait entrer le croyant en communion avec Christ et avec les autres croyants au sein du corps du Christ. Le baptême du Saint-Esprit a été annoncé par Jean-Baptiste et par Jésus avant son Ascension : « Car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit. » (Actes 1.5) Cette promesse s’est accomplie le jour de la Pentecôte (Actes 2.1-4) : pour la première fois, le Saint-Esprit est venu habiter dans des hommes de manière permanente et ainsi, l’Église est née. »

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais ça me paraît plus clair que les définitions que j’aurais pu donner avant. Le baptême dans l’Esprit, au fond, c’est tout simple : c’est entrer avec d’autres dans une communion comme on entre dans l’eau, s’y plonger, en faire son élément, faire communauté, trouver sa vérité en compagnie d’autres que nous. Le trait d’union qui nous réunit dans ces moments-là, c’est l’Esprit, comme une réalité plus grande que nous que nous aurions fabriquée avec les contributions de chacun…

C’est cet assemblage de briques qui fait de nous une église, et c’est ce qui fait de l’Esprit le « liant » qui nous réunit lorsque nous sentons la communion entre nous. Nous n’avons pas l’habitude de considérer les réalités spirituelles comme ça : une réalité relationnelle où le divin est le ciment entre les briques, où l’Esprit est interstitiel et manifeste notre unité lorsqu’elle apparaît.

Nous avons, beaucoup trop souvent, un rapport compliqué avec des abstractions devenues peu à peu lointaines. Il faut peut-être, sûrement même, reconsidérer le divin comme l’une de nos réalisations, comme si nous parvenions à le créer nous-mêmes, au moins par moment ! Quand on lui posait la question : « Est-ce que Dieu existe ? », Théodore Monod répondait : « Pas encore ! », comme pour mieux souligner que cette présence dépend de nous pour l’essentiel. Aucun rapport avec l’arrogance de Voltaire qui, par provocation, disait « Dieu a créé l’homme, et l’homme le lui a bien rendu ! ». Le propos de Théodore Monod nous ramène au contraire, à la raison de notre présence en ce lieu : pressentir la présence de l’Esprit qui passe au milieu de nous, entre nous, et nous demander comment « préparer le chemin du Seigneur », puisque c’est ce que nous sommes appelés à faire, à la suite de Jean-Baptiste.

Mais le fameux Jean-Baptiste a-t-il jamais vraiment apporté quelque chose de nouveau ou de décisif ? En s’acharnant à ressembler au prophète Elie, en s’habillant comme lui avec du poil de chameau, il a surtout repris le même message, on pourrait dire la même rengaine : « Repentez-vous ! » Pourtant, chaque génération fait un peu le même constat : ceux qui appellent de leurs vœux une conversion, un changement, un bouleversement, que sais-je, en sont pour leurs frais : rien ne change vraiment, la même immuabilité du monde qui, sans se reproduire exactement à l’identique, revient toujours plus ou moins à du semblable, ou du comparable.

La nouveauté allait bien se décider à arriver, elle devait se faire dans un changement radical de la manière de comprendre Dieu. Jean-Baptiste, comme les prophètes avant lui, avait conservé le même message. Celui-ci consistait à recommander un changement, une conversion ou une guérison. Et toutes ces injonctions renvoient, par contraste, à la nécessité de fuir une condition mauvaise, d’où la charge de culpabilité qu’on trouve dans ce « Repentez-vous ! » un peu pénible. Jean-Baptiste pressentait que ce changement était nécessaire mais qu’il fallait peut-être que cette conversion concerne Dieu au moins autant que nous-mêmes et qu’il fallait que quelqu’un d’autre s’en charge. L’eau toute simple d’une invitation au repentir ne pouvait peut-être pas devenir le ciment entre les briques dont je parlais plus haut. Il fallait plus et mieux !

Voilà pourquoi Jean-Baptiste a annoncé que c’est le saint Esprit qui allait désormais s’installer dans le cœur des hommes et agir en eux par l’intérieur. C’était cela, le chemin du Seigneur, agir en nous par l’intérieur. Comme le disait l’écrivain chinois Lin Yutang : « L’espoir est semblable à un chemin de campagne ; le chemin n’a jamais vraiment existé, mais si beaucoup l’empruntent, il finit par apparaître. »

N’est-ce pas cela, le fond d’espérance du temps de l’Avent que nous vivons en ce moment : finir par tracer un chemin à force de marcher ?

Didier Petit

 

 

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