Prédication du 22/11/2020
Apocalypse III 14-20
Lettre à l’Église de Laodicée (Apocalypse 3, 14-20)
Écris à l’ange de l’Église qui est à Laodicée :
« Voici le message de celui qui est vraiment le Oui de Dieu. Il est le témoin fidèle qui dit la vérité, il est à l’origine de tout ce que Dieu a créé. Je connais tout ce que tu fais : tu n’es ni froid ni brûlant. Si seulement tu pouvais être froid ou brûlant ! Mais comme tu es tiède, ni froid ni brûlant, je vais te vomir de ma bouche. Tu dis : je suis riche, j’ai gagné beaucoup d’argent, je n’ai besoin de rien. Mais en fait, tu es malheureux, tu mérites la pitié, tu es pauvre, aveugle et nu, et tu ne sais même pas cela. C’est pourquoi, voici ce que je te conseille : achète chez moi de l’or que le feu a rendu pur, et tu deviendras riche. Achète des vêtements blancs pour te couvrir, ainsi tu ne seras pas nu et tu n’auras plus honte. Achète un médicament pour le mettre dans tes yeux, et tu verras clair. Tous ceux que j’aime, je les corrige et je les punis. Montre donc plus d’ardeur et change ta vie ! Voilà : je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je mangerai avec lui et il mangera avec moi. »
Si j’ai choisi ce texte, c’est à cause du verset 20 : « je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je mangerai avec lui et il mangera avec moi ». La plupart d’entre vous connaissent sûrement ce verset, mais je pense aussi que la plupart ne connaissent pas le passage dont il est tiré.
Nous sommes au début du livre de l’Apocalypse, cette impressionnante vision d’un certain Jean que la tradition identifie avec l’auteur du 4e évangile. La critique moderne rejette cette attribution, l’auteur de l’Apocalypse est certainement un personnage important d’une communauté d’Asie Mineure à la fin du premier siècle. Les chrétiens sont alors soumis à la persécution et cette vision vient affermir leur foi en les assurant que le retour glorieux du Christ ne tardera pas et, surtout, que le Christ est déjà vainqueur et à l’œuvre dans le monde. Ce livre ne ressemble à aucun autre livre du Nouveau Testament et son inclusion dans le canon, la liste, du Nouveau Testament, a été très contestée. Donc, si vous ne savez pas comment en tirer parti, d’autres avant vous se sont posé la même question. Mais l’Apocalypse s’est finalement imposée dans le Nouveau Testament et j’espère qu’après cette prédication, vous verrez un peu plus pourquoi.
Au début de ce livre, Jean reçoit la dictée de lettres à sept églises d’Asie Mineure. Celle adressée à l’église de Laodicée est la septième et dernière et elle est assez différente des précédentes. Les six premières lettres commencent par des félicitations pour la foi manifestée par les membres de ces églises. Certes, elles comportent aussi des remarques négatives, mais plutôt sur le mode « peut mieux faire » et ces remarques peuvent être comprises comme des encouragements. Dans cette lettre à l’église de Laodicée, le ton est tout autre, pas de compliments ici, mais une violente charge contre ces chrétiens tièdes que le Christ va vomir ! Une lecture un peu lénifiante du verset 20 me semble donc impossible, une lecture qui dirait « c’est facile, il suffit d’ouvrir la porte au Christ et nous serons en communion avec lui ». Les chrétiens persécutés de Laodicée savent que ce n’est pas facile d’ouvrir la porte au Christ et, si nous sommes vraiment honnêtes, nous devons reconnaitre que ce n’est pas toujours facile pour nous d’ouvrir la porte au Christ.
Il est donc reproché aux chrétiens de Laodicée d’être « ni froid ni brûlant ». Me viennent alors à l’esprit les deux pèlerins d’Emmaüs dans l’évangile de Luc dont il est dit « Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils reconnurent Jésus ; mais il disparut de devant eux. Et ils se dirent l’un à l’autre : notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait le sens des Écritures ? ». Ce qui atteste qu’ils ont réellement cheminé avec le Christ est que leur cœur brûlait en eux. Notre cœur brûle-t-il à chaque culte et à chaque fois que nous lisons la Bible ? Je crains que non. Si nous ne sommes pas brûlants, nous devrions alors être froids et surtout pas tièdes, comment comprendre cela ? Les pèlerins d’Emmaüs peuvent encore nous guider, quand Jésus les aborde, « Ils s’arrêtèrent, l’air sombre » et confessent « Nous espérions que ce serait lui qui apporterait la rédemption à Israël ». Ils avaient mis leur espérance en Jésus, mais ils viennent de traverser la crucifixion et la mort de Jésus et ils sont abattus, ils sont « froids », frigorifiés, leur espérance est morte sur la Croix. Toute espérance chrétienne est une espérance crucifiée. Si le mal ne nous assaille pas personnellement, il suffit de regarder autour de nous pour voir le mal à l’œuvre dans notre monde. C’est donc une espérance crucifiée, mais qui est appelée à aller au-delà de la Croix, comme Jésus appelle les pèlerins d’Emmaüs à voir au-delà de la Croix et de le reconnaitre vivant à leur côté. Ce n’est donc pas tellement un au-delà d’une vie après la mort ou un au-delà du retour glorieux du Christ à la fin des temps, mais un au-delà de la présence aimante du Christ qui nous mène aujourd’hui de la mort à la vie et qui vient nous brûler le cœur. Une espérance « tiède » serait donc une espérance qui veut faire l’économie de la Croix.
Comment comprendre alors le verset 20 : « je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je mangerai avec lui et il mangera avec moi. » ?
Quand nous sommes dans le doute, que nous avons du mal à avancer, que notre fardeau est trop lourd à porter, Jésus n’est pas le seul à frapper à notre porte. L’abattement vient nous harceler, la tentation de démissionner, l’impression que nous n’y arriverons jamais, que nous ne sommes pas de force à affronter ce qui barre notre chemin. Nous sommes tentés de dire comme Élie au 1er livre des Rois : « C’en est trop ! Maintenant, Éternel, prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères ». C’est à ce moment-là que nous devons dresser l’oreille et entendre le Christ frapper à notre porte. Il est si facile de ne pas l’entendre, il faut alors suivre l’invitation du psaume 131 : « je reste calme et tranquille, comme un enfant rassasié sur le sein de sa mère. Comme ce petit enfant, je suis calme et tranquille ». Oui, c’est dans la paix et le silence intérieur que nous pourrons entendre le Christ.
L’évangile de Jean au chapitre 10 peut alors nous éclairer, Jésus parle d’un berger qui mène ses brebis et il dit « elles ne suivront point un étranger ; mais elles fuiront loin de lui, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Il nous faut donc aussi reconnaitre sa voix pour être sûrs de lui ouvrir la porte et non à quelques étrangers qui viendraient nous égarer. C’est à ce moment que nous voyons l’importance du compagnonnage long, patient et régulier avec le Christ. Mais où être sûr de le trouver, lui et pas un autre ? Je répondrais en église même si cette réponse ne semble pas très protestante. En église, conformément à la définition de la confession d’Augsbourg : « L’Église est là où la Parole est annoncée dans sa pureté et où les sacrements sont administrés conformément à l’institution du Christ ». C’est à travers la Bible et par la vie partagée avec nos frères et sœurs en Christ. C’est ce compagnonnage avec le Christ dans la Bible et dans la vie fraternelle qui nous rend familière la voix du Christ et nous permet de la reconnaitre malgré le bruit ambiant, de la discerner parmi toutes les autres voix qui nous dispersent.
Si nous ouvrons la porte à Jésus, il nous dit : « j’entrerai chez lui, je mangerai avec lui et il mangera avec moi ». Le Christ entre chez nous et alors que notre cœur nous semblait si recroquevillé si dur, nous le voyons avec émerveillement se dilater aux dimensions de l’Amour du Christ. Cet Amour nous permet de manger, de communier, de dialoguer « moi avec lui et lui avec moi ». Lui et moi ne sommes pas confondus, je ne suis pas absorbé dans un grand Tout, tout le poids de mon existence ne s’évapore pas par magie, mais je suis à nouveau capable d’entrer en relation avec le Christ, avec mes frères et sœurs, avec le monde.
Alors, osons regarder le Christ sur la Croix, mais soyons assurés que la mort ne l’a pas retenu prisonnier et qu’il est vivant à nos côtés sur nos chemins escarpés, au milieu de nos tempêtes. Et si nous savons reconnaitre sa voix et lui ouvrir la porte, notre cœur brûlera en nous et nous pourrons continuer notre chemin avec l’assurance de son Amour.
François Plagnard
Tellement vrai. Merci.