Prédication du 09/09/2018

Prédication par Dominique Hernandez

Texte : Genèse VIII, 1-22

La colombe de Noé est certainement l’oiseau le plus connu de la Bible, d’abord à cause de ce récit du Déluge.

La colombe est aussi célèbre parce qu’elle a donné son nom à un prophète lui aussi très connu : le prophète Colombe. Vous le connaissez, un petit livre de l’Ancien Testament porte son nom… son nom hébreu bien sûr. En hébreu colombe se dit Iona/Jonas ! Le prophète que Dieu envoie à Ninive la grande ville remplie de méchanceté. Jonas/Colombe part de l’autre côté, en bateau ; la tempête se lève, les marins jettent Jonas/Colombe à l’eau où il est avalé par un grand poisson.

La colombe est aussi célèbre grâce au Nouveau Testament car elle est associée à l’Esprit de Dieu qu’elle symbolise, lors du baptême de Jésus où l’Esprit de Dieu descend sur lui « comme une colombe ».

Du coup, la colombe se trouve sur les croix huguenotes, et dans notre temple sur le vitrail, et également sur le mur, et dans nos deux beaux mobiles.

Enfin, la colombe est devenue un symbole de pureté, et un symbole universel de la paix, Picasso en a fait de très beaux dessins.

Tout cela grâce à Noé, à ce récit biblique du Déluge.

 

Voyons cela de plus près. Il faut d’abord dire qu’en vérité, ce n’est certainement pas une blanche et immaculée colombe que Noé aurait lâchée depuis l’arche. Plus certainement une tourterelle turque, une de celles qui a un collier noir sur le cou et qui présente une association de différentes couleurs : gris, beige, rosé, brun clair, et un peu de blanc quand même. Pas une colombe de luxe, mais un oiseau commun, plus proches de nos vulgaires pigeons que des salons bien choisis…

 

Le corbeau, c’est un vrai corbeau bien noir. Il est le premier que Noé lâche depuis l’arche. Le corbeau s’envole, il va et vient au dessus de l’eau, mais il ne rentre pas dans l’arche, il ne s’intéresse pas à Noé. Le corbeau est un individualiste, il se débrouille seul. Aucun sens de la solidarité, aucun altruisme : le corbeau s’envole pour lui, rien que pour lui. Il se débrouillera bien : il est intelligent, il s’adapte à la situation catastrophique. Il trouvera bien un tas de débris pour se poser un moment, quelques végétaux à la dérive, une ruine surnageant, tenez, un amas de plastique flottant. Il trouvera bien un cadavre pour se nourrir, car le corbeau est un charognard. Tout seul. Indifférent aux réfugiés dans l’arche. Qu’est devenu le corbeau ? On peut fouiller le récit, engager des savants lecteurs de la Genèse, appeler un détective ou Interpol, on ne trouvera rien : pas de nouvelles. Mais le corbeau s’en fiche, il n’a besoin de personne.

 

La colombe, quand elle s’envole, elle vole au-dessus de l’eau, au-dessus des ravages et des destructions, sans trouver un seul endroit pour se poser, non seulement pour se poser mais pour que la vie reprenne un cours vivable. La colombe ne trouve pas de place ni pour elle, ni pour les autres, l’eau recouvre tout. C’est la crise partout, la crise internationale, une catastrophe planétaire, à cause de la méchanceté, de l’indifférence, de l’égoïsme, de la bêtise des humains.

Alors elle revient vers Noé, fatiguée, déçue. Elle revient vers celui qui est sa compagnie, celui qui partage l’attente, l’errance sur l’eau. Elle revient vers un lieu familier, vers quelqu’un qui l’accueille dans l’océan hostile : Noé tend la main pour la mettre à l’abri, au repos.

Nous avons tous besoin de lieu d’accueil, de personnes qui nous font place, bonne place, pour reprendre des forces, pour être nourris et réconfortés. Pas seulement la colombe, pas seulement les personnes qui sont plongées dans une épreuve ou un deuil, pas seulement les femmes sans domicile qui viennent le mercredi et le samedi ici.

Nous ne sommes pas de blanches et immaculées colombes. Nous portons les couleurs, les marques, les cicatrices de nos blessures, de nos échecs, de nos pertes, de nos déceptions, de nos peurs. Nous portons le collier noir et épuisant de nos fatigues, de nos chagrins, de nos douleurs, de nos efforts. Nous avons besoin de lieux pour nous poser et nous reposer. Nous avons besoin de personnes qui nous tendent la main.

La colombe rentre auprès de Noé, et nous sommes réunis pour le culte de rentrée, dans cette paroisse riche en groupes et en activités et qui permet aussi un lieu, un temps pour se poser, où quelqu’un tend la main, où l’on peut être nourri, et pas seulement avec le repas tout à l’heure !

 

Sept jours après, Noé lâche à nouveau la colombe, et elle reprend son envol, reposée, restaurée, réconfortée, encouragée ? Elle prend son envol en quête d’espoir, en vigie d’avenir, en éclaireur/éclaireuse d’un monde meilleur.

Et cette fois elle revient avec un rameau d’olivier dans son bec et c’est une messagère de bonne nouvelle ! L’eau baisse, la catastrophe recule, la vie redevient possible pour tous sur la terre ! La colombe apporte à Noé un signe qui fait comprendre que la fin de la catastrophe est à portée de main. Qu’il y aura encore des abeilles, et de l’eau potable, moins de CO2 dans l’atmosphère, plus de partages, mieux répartis, moins d’indifférence et d’égoïsme.

La colombe aurait pu rester perchée seule et tranquille sur l’olivier à roucouler son soulagement ; mais non, elle est solidaire de tous ceux qui sont dans le même bateau. Elle apporte un signe de vie, un signe d’espérance.

Venus au culte de rentrée nous apportons nous aussi des signes de vie et d’espérance à ceux qui nous entourent, présences, sourires, mains tendue, paroles de reconnaissance, nouvelles et projets à partager.

Nous avons besoin de colombes et nous sommes invités à devenir des colombes, même si parfois, comme pour le prophète Colombe, la mission de chercher des signes d’espérance et d’avenir nous paraît si énorme dans l’océan de problèmes, de crises et de mauvaises nouvelles que nous sommes tentés de renoncer et de fuir ou de nous mettre à l’abri.

Au culte de rentrée, dans la vie de la paroisse, nous recevons des signes de vie, même des petits, mais cela donne du sens, les couleurs de l’arc en ciel de l’alliance et la saveur de l’éternité à nos existences, à ce qui nous tient comme quête ou comme lutte ou comme engagements.

Pour que les plus jeunes héritent d’une terre propice à toute l’humanité

Pour qu’ils entendent cette bonne nouvelle de la confiance, de l’espérance et de l’amour

Pour que les plus faibles puissent être accompagnés, encouragés, soutenus

Pour que ceux qui pleurent soient consolés

Pour que ceux qui cherchent ne soient pas isolés

Et pour que les corbeaux ne soient pas haïs ; car voyez-vous, les corbeaux apparaissent dans un autre récit de l’Ancien Testament. Lorsque le prophète Élie annonce au roi Akhab qu’il y aura une longue période de sécheresse, le Seigneur l’envoie ensuite se cacher dans un ravin et envoie aussi des corbeaux pour ravitailler le prophète en pain et en viande. Un corbeau peut aussi se mettre au service du Seigneur !

 

Nous sommes nourris, réconfortés, encouragés de signes de vie, de confiance et d’espérance et ceux que Jésus-Christ a donnés nourrissent, réconfortent et encouragent les générations de croyants depuis 20 siècles. Nous nous réunissons ici pour les découvrir, les recevoir, les partager, les transmettre à notre tour.

Puissent les colombes que vous verrez,

dans les airs,

sur les murs,

au bout d’une croix,

et les colombes humaines que vous rencontrerez,

et l’Esprit saint comme une colombe descendant sur votre tête,

vous emporter pour une année de reconnaissance et de paix.

 

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